Décryptage des structures génomiques complexes des agrumes cultivés

Le 7 juillet dernier, la revue Nature Biotechnology a publié un article révélant les structures génomiques complexes de quelques variétés modernes d’agrumes issues d’évolution réticulée. Quatre chercheurs d’Agap sont co-auteurs des résultats de ce projet du Consortium International de Génomique des Agrumes (ICGC) pour lequel Agap a contribué à l'élaboration, la coordination et la réalisation.

Intitulé « Sequencing of diverse mandarin, pummelo and orange genomes reveals complex history of admixture during citrus domestication », l’article présente la séquence de référence de haute qualité des agrumes établies par séquençage Sanger d’un haploïde de clémentinier majoritairement porté par le projet ANR Citrusseq (Genoscope, Cirad, Inra et Ivia). A cette occasion, AGAP a coordonné l’établissement de la première carte génétique de référence des agrumes (Ollitrault et al., 2012) utilisée pour réaliser l’assemblage en pseudomolécules (chromosomes). La séquence de référence du clémentinier et son annotation sont accessibles en ligne (http://www.phytozome.net/clementine.php). Les données de re-séquençage de huit variétés d’agrumes, produite par l’ICGC et de 4 variétés libérées par un consortium chinois (Xu et al., 2013) ont été alignées sur la séquence de référence afin d’en analyser les structures phylogénétiques. Ces travaux révèlent que les variétés modernes de mandarinier analysées, généralement considérée comme représentative de l’espèce Citrus reticulata, sont en fait introgressées en différents sites par des fragments génomique de l’espèce C. maxima (pamplemoussier). Par ailleurs les résultats démontrent de manière définitive que l’espèce  C. aurantium (bigaradiers, bouquetiers) résultent d’une hybridation interspécifique directe entre C. maxima et C. reticulata tandis que C. sinensis (orangers) présente une structure génomique plus complexe impliquant que ses deux parents étaient d’origine interspécifique entre C. maxima et C. reticulata. L’étude révèle par ailleurs tout au long du génome l’origine phylogénétique des fragments chromosomiques chez les différentes variétés.

L’établissement de la séquence de référence des agrumes et le décryptage des structures interspécifiques des génomes des variétés modernes tels que décrit dans l’article de Nature Biotechnology sont deux étapes clefs qui vont permettre de piloter plus efficacement l'amélioration des agrumes et en particulier l'intégration de la biodiversité du complexe d’espèce dans des variétés améliorées. Il est ainsi probable que les introgressions de C. maxima dans le génome des mandariniers sont une des sources majeures de la forte variabilité phénotypique de ce groupe horticole. Par ailleurs, à l’heure où la production mondiale d’orange est très fortement impacté par diverses maladies telles que le Huanglongbing, la chlorose variéguée et le chancre citrique, la connaissance de la structure en mosaïque interspécifique de C. sinensis ouvre des possibilités pour reconstruire des génotypes proches de l’idéotype « oranger » (dont base génétique est très étroite) à partir du germoplasme des espèces ancestrales C. reticulata et C. maxima. Enfin, les avancées en génomique décrites dans cet article vont considérablement accélérer l’acquisition de connaissance sur les déterminants de la variabilité phénotypique et le développement d’outils de sélection précoce puissants (SAM, sélection génomique).

Ces développements récents de la génomique irriguent en particulier les recherches du collectif agrumes d'AGAP. Celui-ci conduit un projet intégré d'amélioration des agrumes allant du décryptage de la structure des génomes jusqu'à la sélection de variétés de petits agrumes de haute qualité (aspermie, aromes, composants santé ...) et résistantes à certaines maladies et de porte-greffes adaptés aux contraintes biotiques et abiotiques du Bassin Méditerranéen et des zones tropicales. Ces projet d’innovation variétale basée sur la mobilisation de la biodiversité s'appuie sur l'une des plus importantes collections d'agrumes au plan international cogérée par l'INRA et le CIRAD et des recherches multidisciplinaires sur (i) l'organisation de la diversité génétique et celle des caractères utiles au sein du complexe d'espèce; (ii) la biologie de la reproduction et son implication sur la recombinaison et la ségrégation des caractères au niveau diploïde et polyploïde; (iii) les déterminants génétiques, physiologiques et moléculaires des caractère d'intérêt; (iii) la méthodologie de la création et de la sélection. L'objectif global finalisé est de contribuer par du matériel végétal innovant au développement d'agrumicultures durables dans différents bassin de production en particulier dans le Bassin Méditerranéen et dans les régions tropicales. Ce matériel végétal doit répondre aux attentes sociétales (respect de l'environnement; qualité organoleptiques et nutritionnelles, sécurité alimentaire) et à celles des acteurs de la filière (réductions des intrants et des charges de main d'œuvre; alimentation du marché du fruit frais sur des périodes élargies etc).

Publiée : 17/07/2014