Exploitation de la diversité génétique du cacaoyer pour la sélection de variétés adaptées à la cacaoculture des Amériques

Une animation présentée par Olivier Fouet, Michel Boccara, Olivier Sounigo, Dominique Dessauw de l'équipe GSP, collectif Cacaoyer, jeudi 15 avril 2021

Résumé

La production de fèves de cacao par le continent américain, représente actuellement 17% de la production mondiale (972 milles tonnes) et est en constante augmentation depuis les années 2000. Même si les exportations de cacao marchand sont très inférieures à la production africaine, la cacaoculture des Amériques produit la majorité des cacaos classés comme fins et aromatiques, de plus en plus recherchés par les consommateurs de chocolats. La cacaoculture en Amérique, continent d'origine du cacaoyer, est très ancrée traditionnellement et joue un rôle social important pour de nombreux pays d'Amérique latine et des Caraïbes. Elle est notamment appuyée par de nombreux gouvernements comme soutien aux processus de paix et de remplacement des cultures illicites. Ces dernières années, la filière sur ce continent est confrontée à de très nombreux défis, notamment une faible productivité, de nombreuses maladies, la recherche de qualité supérieure et les conséquences liés au changement climatique. L'exploitation de la diversité génétique pour répondre à ces défis est par conséquent une des voie de recherche majeure qui est conduite actuellement par les centres de recherche nationaux. Dans le cadre de cette Animagap, nous vous présenterons 2 approches de sélection (en milieu réel et sur station de recherche) qui sont actuellement mises en œuvre au travers de 4 projets de recherche développés en Équateur, en Guyane, en Colombie et au Costa Rica. 

En Équateur, plusieurs projets ont été construits ces dernière années  autour d’un partenariat entre l’INIAP (Instituto Nacional de Investigaciones Agropecuarias) et le CIRAD afin d’étudier la diversité des cacaoyers aromatiques équatoriens, organiser leur sauvegarde et comprendre l’histoire de leur domestication. Entre 2010 et 2019, plusieurs prospections été organisées dans 3 grandes régions de l’Amazonie équatorienne sous forme de collectes participatives, en collaboration avec les agriculteurs et les communautés amérindiennes. Ces cacaoyers ont été génotypés à l’aide de marqueurs moléculaires et les analyses ont permis de retrouver l’aire de domestication de la variété aromatique « Nacional » emblématique du pays. Ce matériel a été multiplié par greffage et planté dans 3 stations expérimentales de l’INIAP situées dans des environnements très différents.  Par ailleurs, une partie des génotypes a été implantée dans les lycées agricoles à proximité des lieux de collectes. L’ensemble des cacaoyers collectés sont actuellement en phase de caractérisation et d'évaluation au champ pour différents caractères agronomiques axés sur la productivité et la sensibilité aux maladies (moniliose, balai de sorcière et pourriture brune).

En Guyane, le CIRAD dispose d’une Station expérimentale de Recherche située Pointe-Combi à Sinnamary. Le Centre de Ressources Biologique (CRB PPG) dispose principalement de collections de Caféiers, cacaoyers, hévéas et autres plantes tropicales. La collection de cacaoyers est composée d’une part d’accessions « internationales », et d’autre part d’arbres issus de prospections réalisées dans d’anciennes plantations locales mais aussi d’expéditions en forêt amazonienne qui ont permis l’introduction de matériel végétal d’origine sauvage. Ce matériel végétal conservé en station de recherche a été étudié pendant de nombreuses années, mais n’avait pas été implanté hors station. Un financement européen Feader 2014-2017« Cacaoyer guiana » renouvelé pour la période 2018-2021, a permis la mise en place multilocale d’essais d’adaptation de variétés d’origine guyanaise. Le projet CIRAD (UMR AGAP, UMR ABSys, UMR PHIM) est réalisé en collaboration avec des agriculteurs présélectionnés et le Lycée agricole de Matiti. Les plants greffés et des descendances libres sont suivis régulièrement pour des critères de croissance, d’architecture et d’adaptation aux différentes conditions édaphoclimatiques. En Colombie, afin d’assurer aux producteurs de cacao la diffusion de variétés diversifiées et adaptées aux nombreuses contraintes rencontrées par cette culture, Agrosavia a récemment démarré un programme de sélection récurrente du cacaoyer. Ce programme à long terme s’appuie sur le haut niveau de diversité génétique rencontré dans la collection de cacaoyers nationale, pour la création de génotypes cumulant des allèles favorables pour les caractères de productivité et de résistance aux quatre principales maladies rencontrées en Colombie : moniliose (Moniliophthora roreri), balai de sorcière (Moniliophthora crinipellis), pourriture brune des cabosses (Phytophthora), et mal de machette (Ceratocystis). Ce programme est mené sur stations de recherche, dans 4 zones géographiques caractérisées par des contraintes abiotiques et biotiques différentes. Du fait de son démarrage récent, le programme n’en est qu’au début du premier cycle de sélection, une partie des descendances de pleins frères étant encore en cours d’évaluation en pépinière, pour leur résistance aux maladies, et une autre partie étant au champ depuis quelques mois, en vue de l’évaluation de leur niveau de productivité et de résistance à d’autres maladies. Enfin au Costa Rica, le programme d’amélioration du cacaoyer du CATIE actuel a démarré en 1996 dans le principal but de créer de nouveaux clones résistants à la moniliose, qui après son introduction au Costa Rica en 1978 a détruit plus de 80% de la production nationale en moins de 5 années. Les autres objectifs de sélection sont la productivité, la tolérance au phytophtora et la qualité, puisque la majorité du cacao produit est exporté. Le programme exploite la grande diversité génétique présente dans la collection internationale qui est la seconde collection mondiale dans le domaine public avec 1260 accessions. Les accessions sont évaluées pour la tolérance aux maladies et la qualité puis les meilleures sont croisées et les descendances testées sur la station de La Lola sur la côte atlantique. Les meilleurs arbres hybrides F1 sont ensuite clonés et évalués dans un essai clonal avec répétitions. L’essai L6 dont les résultats sont présentés a été évalué sur 18 ans entre 2000 et 2018. Cet essai a permis d’identifier le polyclone vulgarisé par le CATIE à partir de 2008 en Méso-Amérique et qui sera évalué dans les Caraïbes après passage en quarantaine internationale. Le comportement du polyclone en milieu producteur a été observé au Costa Rica par un étudiant en 2019/20.

Publiée : 15/04/2021