Résumé

L’extension rapide des attaques de Striga sur le niébé en Afrique de l'Ouest a été essentiellement liée à sa prolificité, la mobilité et la longévité de ses graines, et à son adaptation à l'aridité, dans un contexte d'intensification agricole et de dégradation des sols. Pour le vérifier, nous avons analysé (1) les distributions de la culture et du parasite par modélisation de niche agroécologique, et (2) les informations disponibles sur la distribution initiale du parasite. 

Il s’avère que la distribution géographique et écoclimatique des attaques est la même sur le niébé et sur hôtes sauvages. De manière cohérente, la distribution modélisée des infestations est très similaire à la simple superposition du modèle du parasite (impliquant tous ses hôtes) et du modèle de la culture. Les infestations de Striga sont limitées à la composante la plus sèche de la niche écoclimatique du niébé cultivé, correspondant aux ceintures sahélienne et soudano-sahélienne et au couloir du Dahomey.
Les données historiques sont cohérentes avec un impact plus précoce sur le niébé dans l'est de la région, en réponse à une évolution historique similaire de l'intensification de la culture du niébé à partir du Niger, du Nigeria et du Bénin. Le Mali et le Sénégal ont été affectés plus tard, et la littérature sur les souches sénégalaises de Striga développant une virulence spécifique sur niébé offre un modèle pour la diffusion du parasite par évolution multilocale, dans un processus de sélection dirigée par l'hôte. A contrario, en Côte d'Ivoire, le niébé est bien moins répandu, et le parasite est resté confiné au compartiment sauvage. 

Ainsi, au lieu d’entériner une vision « invasive » du Striga, nos analyses soulignent l'importance de l'intensification de la culture et la perte de biodiversité qui en résulte, comme principaux moteurs de l'extension du parasitisme et la diversification de ses souches spécifiques aux cultures.