Comprendre la structure et l’évolution des génomes à différentes échelles

Date de mise à jour : 13 février 2023

Les séquences virales endogènes sont très largement répandues dans l’ensemble des règnes du vivant. Chez les plantes, ces intégrations virales ont majoritairement pour origine des virus à génome ADN. Le génome du bananier héberge ainsi des séquences virales endogènes dont la nature infectieuse a été démontrée : leur activation, à la faveur de stress biotiques ou abiotiques, conduit à la synthèse de particules virales et à des infections systémiques spontanées.

Chez le bananier, des séquences virales endogènes infectieuses du virus de la mosaïque en tirets (eBSV) sont présentes chez l’ensemble des géniteurs M. balbisiana (génome B). Il existe au moins trois espèces eBSV infectieuses qui s’expriment dans les variétés hybrides interspécifiques de génotype AB, AAB ou AAAB, naturelles ou issues de croisements faisant intervenir des parents porteurs du génome A issu de M. acuminata et du génome B issu de M. balbisiana. Les recherches conduites par l’équipe visent à appréhender la structure moléculaire et la régulation des eBSV afin de réintroduire des ressources génétiques M. balbisiana dans la création de nouvelles variétés hybrides interspécifiques de bananier de type dessert ou à cuire.

Caractérisation de la diversité des eBSV

Accéder à la structure moléculaire complète d’un eBSV permet d’évaluer in silico le risque infectieux potentiel de l’intégration étudiée. En collaboration avec l’UMR PHIM, nous avons développé des marqueurs moléculaires qui permettent le génotypage des différents allèles et espèces eBSV précédemment mis en évidence. Ces marqueurs ont permis de génotyper plusieurs collections de bananiers (Cirad, Embrapa au Brésil, International transit center en Belgique).

Plus récemment, l’équipe a conduit avec des partenaires locaux des missions de collecte en Asie du Sud Est continentale (Nord Vietnam, Nord Laos et Sud de Chine) afin de caractériser la diversité Musa et eBSV chez des bananiers sauvages ou faiblement anthropisés et de rechercher des ressources M. balbisiana exemptes d’eBSV infectieux. Aucun échantillon contenant du génome M. balbisiana parmi les 154 collectés n’est totalement exempt d’eBSV mais pour certains d’entre eux, les structures des eBSV mises en évidence sont différentes de celles précédemment caractérisées. Leur nature infectieuse reste à définir.

Les marqueurs utilisés jusqu’à présent sont insuffisants pour avoir une vision complète de l’eBSV puisqu’ils ne couvrent que certaines régions. L’équipe développe actuellement, en collaboration avec le CNRGV à Toulouse, une approche de locus capture basée sur la technologie CRISPR/Cas9 associée à du séquençage long read pour permettre d’avoir accès à la séquence complète des eBSV. Cela permettra non seulement de développer de nouveaux marqueurs de génotypage spécifiques d’eBSV atypiques utilisables en sélection mais aussi de définir in silico leur risque infectieux.

Régulation des eBSV

Bien que porteurs d’eBSV infectieux, certains bananiers tels que les diploïdes sauvages M. balbisiana (BB), ne présentent jamais d’infection systémique de la plante même lorsque les plantes sont soumises à des stress connus pour activer le réveil des intégrations.

Le séquençage Illumina a révélé que les eBSV produisent des transcrits de faible abondance couvrant la majeure partie de la séquence virale et génèrent principalement des petits ARN interférents (siRNA) de 24 nt. De façon remarquable, la production de siRNA est limitée aux séquences virales dupliquées et inversées présentes dans les eBSV. En utilisant le séquençage au bisulfite, nous avons découvert que les séquences productrices et non productrices de siRNA des eBSV sont fortement méthylées. Ces données suggèrent que les eBSVs sont contrôlés au niveau épigénétique chez les diploïdes sauvages M. Balbisiana.

Caractérisation génomique du nanisme chez le bananier

Caractère primordial pour la culture des bananiers en zones tropicale ou sub-tropicale soumises à tempêtes et ouragans, le nanisme confère une stature plus robuste et une moindre sensibilité au vent. En outre, les taches manuelles d’entretien et de récolte des régimes sont plus faciles chez les variétés naines ou semi-naines. Ces dernières sont enfin plus adaptées aux plantations à haute densité. La compréhension des mécanismes de nanisme impactant la taille et la robustesse du pseudo-tronc est donc essentielle et constitue une étape clef pour l’amélioration variétale.

Si de rares cultivars nains existent naturellement au sein des grands groupes de bananiers triploïdes, le nanisme n’a jamais été observé chez les cultivars ancestraux diploïdes et espèces sauvages apparentées. Des bananiers nains sont couramment obtenus par variation somaclonale après culture in vitro dans le groupe Cavendish et dans une moindre mesure dans d’autres groupes de bananiers triploïdes. Cette variation obtenue in vitro peut être réversible vers la taille normale. Des études physiologiques et biochimiques de couples isogéniques de bananiers nain/normal montrent que les nains réagissent peu à un apport externe d’acide gibbérellique et qu’ils ont une teneur en acide gibbérellique moins importante que leurs homologues de taille normale. L’implication des gibbérellines a été confirmée par des analyses protéomiques mais un génotypage dense de type RadSeq n’a pas permis de mettre en évidence une ou des régions du génome spécifiques du nanisme. Le déterminisme du nanisme pourrait donc être associé à des mécanismes de régulation épigénétiques sur lesquels l’équipe souhaite travailler.

Publications clés

Chabannes M., Gabriel M., Aksa A., Galzi S., Dufayard J.F., Iskra Caruana M.L., Muller E. 2021. Badnaviruses and banana genomes: A long association sheds light on Musa phylogeny and origin. Molecular Plant Pathology,
22 (2) : p. 216-230. https://doi.org/10.1111/mpp.13019

Iskra Caruana M.L., Thomas J.E., Chabannes M. 2019. Banana streak. In : Jones David R. (ed.). Handbook of diseases of banana, Abacá and Enset. Wallingford : CABI, p. 393-408.

Lava Kumar P., Selvarajan R., Iskra Caruana M.L., Chabannes M., Hanna R.. 2015. Biology, etiology, and control of virus diseases of banana and plantain. In : by Gad Loebenstein and Nikolaos I. Katis. Control of Plant Virus Diseases Vegetatively-Propagated Crops. New-York : Academic Press, p. 229-269. (Advances in Virus Research.
https://doi.org/10.1016/bs.aivir.2014.10.00

Chabannes M., Iskra Caruana M.L.. 2013. Endogenous pararetroviruses - a reservoir of virus infection in plants. Current Opinion in Virology, 3 (6) : p. 615-620.https://doi.org/10.1016/j.coviro.2013.08.012

Chabannes M., Baurens F.C., Duroy P.O., Bocs S., Vernerey M.S., Rodier-Goud M., Barbe V., Gayral P., Iskra Caruana M.L.. 2013. Three infectious viral species lying in wait in the banana genome. Journal of Virology, 87 (15) : p. 8624-8637.https://doi.org/10.1128/JVI.00899-13

Date de mise à jour : 13 février 2023