Développement adaptatif du riz et du sorgho (DARS)

Contextes et enjeux

Date de mise à jour : 23 mai 2022

Le riz et le sorgho : des céréales d’importance mondiale pour l'alimentation humaine

Le riz (Oryza sativa L.) est une plante d’une importance sociologique, économique et culturelle considérable. Elle est cultivée sur plus de 150 millions d’hectares, pour 600 millions de tonnes produites annuellement ce qui en fait la première céréale de consommation humaine. Une augmentation de 50 % de la production doit être réalisée dans les 20 prochaines années sur des terres arables non extensibles et dans un contexte climatique instable.  Le riz est la monocotylédone et la céréale modèle et possède des ressources génétiques remarquables avec 22 espèces sauvages et plus de 100 000 échantillons d’accessions cultivées ; des caractéristiques biologiques favorables, c’est une plante autogame à cycle court ; l’existence d’une macro-colinéarité et micro-colinéarité de son génome avec celui des autres céréales ; l’existence de nombreuses ressources moléculaires, et d’une communauté scientifique importante. Le riz est cultivé dans une large gamme de systèmes de culture, de régimes hydriques (pluvial, inondé, irrigué et flottant) et d’environnements et les ressources génétiques de cette plante représentent un réservoir d’allèles considérable et original pour l’adaptation du riz à différentes contraintes.

Le sorgho (Sorghum bicolor (L.) Moench) est une céréale appartenant aux Poacées. C’est aujourd’hui la 5ème céréale mondiale pour la production de grain, derrière le blé, le riz, le maïs et l’orge, avec 61,5 millions de tonnes produites annuellement. Au sein de l’Union Européenne, la France et l’Italie sont les deux principaux producteurs de sorgho, mais plus de la moitié du sorgho consommé dans l’UE est importée. Le grain de cette céréale peut servir à l’alimentation animale qui constitue la principale utilisation dans les pays développés et humaine (essentiellement en Afrique et en Asie). Ses caractéristiques agronomiques sont des atouts majeurs pour sa culture dans un contexte de changement climatique et de diminution des intrants chimiques. En effet, cette plante à photosynthèse en C4 est capable d’une meilleure assimilation du carbone à haute température que les plantes en C3, ce qui lui a permis de se développer sous des climats tropicaux, en poussant à une température optimale de 30°C. De plus, elle possède une forte efficience d’utilisation de l’eau, lui conférant une forte tolérance à la sécheresse, et des nutriments, en particulier de l’azote minéral (notamment grâce à un système racinaire profond), des cycles de croissance courts (3-4 mois), et une rusticité vis-à-vis des ravageurs et maladies. Notamment, le sorgho utilise l’eau plus efficacement que le maïs en conditions hydriques limitantes. Non seulement le sorgho consomme peu d’engrais azoté, mais de plus, 40 % de l’azote mobilisé par la culture est restitué au sol sous forme organique. Son utilisation dans les cycles de rotation des cultures est donc extrêmement positive pour le cycle global de l’azote sur une parcelle. Le sorgho représente ainsi une alternative à la culture du maïs dans les zones où les disponibilités en eau sont critiques. Avec ces caractéristiques, le sorgho, dont dépendaient déjà 500 millions de personnes au quotidien en 2011 deviendra très certainement une culture essentielle pour la sécurité alimentaire de la planète à l’horizon 2050 compte-tenu de la nécessaire réduction des intrants et dans un contexte de changement climatique.

Adaptation à des conditions contrastés d’eau du sol chez le riz: rôle des aérenchymes racinaires dans la tolérance à la submersion et à la croissance en conditions arides

L’efficience d’utilisation de l’eau chez le riz et les céréales est liée à la capacité d’extraction et au transfert d’eau au niveau racinaire. Cette capacité d’extraction et de transfert de l’eau est corrélée à des paramètres anatomiques comme la présence d’aérenchymes, des cavités aérifères, et au ratio entre la surface du cortex et de tissus vasculaires. Ces paramètres anatomiques sont en lien avec la formation et la différenciation du cortex.  Au champ, ces paramètres sont influencés par la présence de rhyzobactéries qui sont capables, en symbiose avec les céréales, de moduler la différenciation du cortex et bloquer ou stimuler la formation des aérenchymes. Comparativement aux autres céréales, le riz fait naturellement des aérenchymes quelque soient les conditions de culture (aérenchymes constitutifs) alors que les autres céréales ne font des aérenchymes qu’en conditions de stress abiotiques, et bien sûr de submersion et constitue un modèle idéal pour identifier les gènes et caractériser ses mécanismes de formation.

Les aérenchymes sont des canaux aérifères qui se forment par mort cellulaire d’un tissu présent dans les racines et les tiges, le cortex. Les aérenchymes, en conditions de submergence (waterlogging), permettent d’acheminer aux racines l’oxygène nécessaire à leur bon fonctionnement. En effet, lorsque les racines sont submergées, l’oxygène est présent à des concentrations beaucoup plus faibles que dans l’air et la diffusion de l’oxygène dans l’eau est très lente. Dans ces conditions, très rapidement, les racines vont s’asphyxier. En conditions arides, elles jouent également un rôle important car la présence de nombreuses cellules mortes réduit la quantité d’énergie à utiliser pour extraire l’eau et les nutriments du sols. Cette énergie disponible peut-être réattribuée pour les parties aériennes ou le remplissage des grains. Ce rôle explique la présence d’aérenchymes dits inductibles chez des plantes qui pousse en conditions arides comme le sorgho ou le mil, comparativement au riz. En revanche en condition favorableles aérenchymes ont un impact négatif chez les plantes car la présence d’aérenchymes réduit le transfert radial d’eau et de nutriments. En effet, le passage de l’eau et des nutriments se fait essentiellement par les cellules vivantes, les aérenchymes ne permettant ce passage. Il existe donc un trade-off entre la présence d’aérenchyme et les conditions d’humidité du sol.

Une des hypothèses sur laquelle nous travaillons, est d’optimiser la croissance du riz en conditions pluviales (intermédiaire) en réduisant voire en supprimant les aérenchymes racinaires (projet CRAZYRICE, collaboration equipe Phenomen, C. Rebolledo). Nous cherchons également à moduler la présence d’aérenchyme dans des variétés de riz ou de sorgho afin d’améliorer leur rendement dans une large gamme de conditions de cultures. En collaboration avec le LIST (Dr Ghoniem) et l’université de Lille (Pr Elati), nous cherchons à isoler les réseaux de gènes intervenant dans la mise en place des aérenchymes par une approche de génétique inverse (projet ANR GREENER, porteur C. Périn).

Nous caractérisons actuellement de souches de bactéries PGPR, Azospirullum brasilense et Pseudomonas fluorecens pour leur capacité à induire ou supprimer les aérenchymes racinaires chez le riz (projet Rhyzocortex UM/AGAP, porteur F. Varoquaux). Ces bactéries sont déjà utilisées pour améliorer les rendements de céréales, dont le riz dans plusieurs pays, comme en Amérique du sud. Nous avons également identifié des souches de bactéries (par ex Azospirullum brasilense sp245 ipdc-) mutées pour des gènes de biosynthèse ou de catabolisme d’hormones végétales et nous étudions leur impact sur la formation des aérenchymes et sur d’autres paramètres anatomiquesracinaires.

La qualité des protéines chez le sorgho

Malgré les atouts agronomiques du sorgho, la faible digestibilité des protéines du grain de sorgho par les protéases gastro-intestinales, représente un frein important à une utilisation plus large du sorgho pour l’alimentation animale (monogastrique) et humaine. Cette digestibilité est d’au moins 25% inférieure à celle d’autres céréales (blé, maïs, riz). Ceci peut être attribué à l’interaction des protéines avec d’autres composés du grain comme l’amidon ou les tanins, mais également à la structure des protéines de réserve du grain de sorgho, les kafirines qui représentent 70 % des protéines du grain. Les grains de sorgho peuvent contenir de 7,6 à 13% de protéines. Les kafirines s’assemblent dans une organelle appelée corps protéique (CP). La faible digestibilité des kafirines serait liée au réseau tri-dimensionnel de ces CP, structuré par de nombreux ponts disulfures entre des cystéines. Le taux de protéines liées par des ponts disulfures augmente pendant le développement du grain mais les protéines sont encore partiellement réduites dans le grain mature ; la cuisson favorise l’apparition de ponts disulfures supplémentaires par oxydation, ce qui expliquerait la perte de digestibilité observée.

Nos hypothèses de travail sont i) qu’une faible diversité pour la teneur en protéines et pour la digestibilité des protéines est disponible au sein des programmes de sélection tempérés (Europe) et qu’elle peut être enrichie au travers de l’utilisation d’une base génétique plus large, ii) qu’une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires responsables de la digestibilité des protéines et iii) que l’accès à des méthodes de phénotypage à moyen et haut-débit de la digestibilité et de la teneur en protéines permettront de développer des stratégies de sélection plus efficaces. Des travaux pour tester ces hypothèses sont développés (Sokafi, BAP, INRAE ; NitroSorg, CASDAR, porteur N. Terrier). L’impact de stress chauds récurrents sur la qualité des grains de sorgho et notamment la teneur et digestibilité des protéines est également évaluée (projet PARSEMA, INRAE, porteur C. Granier).

Biologie translationnelle: deux modèles complémentaires de céréales

Le sorgho est une plante C4 cultivée principalement en conditions arides alors que le riz est une plante C3 semi-aquatique cultivée majoritairement en conditions irriguées. Ces deux espèces se situent donc à deux extrémités de l’ensemble des conditions de culture des céréales.

Ce sont deux espèces complémentaires et leur étude comparée, permettra de tester la généricité ou la spécificité des gènes et mécanismes développementaux étudiés. Par exemple, le sorgho qui forme des aérenchymes en conditions arides peut être utilisé pour déterminer si des gènes intervenant dans la formation des aérenchymes chez le riz ont une fonction conservée et comparer les mécanismes de leur mise en place.

Conclusion

Nous cherchons à identifier et à caractériser chez ces deux espèces, les gènes intervenant dans ces deux processus développementaux et adaptatifs par une approche de génétique moléculaire, combinant analyse de mutants (CRISPR/CAS9), imagerie (Laser Capture Microdissection, imagerie multiphotonique), transcriptomique, phénotypage haut débit, analyse de réseaux et génétique d’association.

Partenariat

Ces travaux sont réalisés en collaboration avec les équipes Génomique évolutive et gestion des populations (GE²pop), Génétique et innovation variétale (GIV), et Phénotypage et modélisation des plantes dans leur environnement agro-climatique (PhenoMEn) de l’unité en ayant recours aux dernières approches d’imagerie cellulaire développées sur la plateforme PHIV. L'université de Lille (Mohamed Elati Professeur Université à INSERM U908 Plasticité Cellulaire et Cancer, le LIST Mohammad Ghoniem), projet ANR GREENER, ainsi que l’équipe CERES Diade (Pascal Gantet, professeur de l'Université de Montpellier, projet en cours Masteroot ANR) sont nos principaux partenaires. Les travaux sur la qualité du grain du sorgho se construisent en collaborations avec les unités IATE (Montpellier), BIA (Nantes), BOA et PEAT (Tours), les entreprises semencières Eurosorgho et RAGT2n et l’institut technique ITAVI.

Date de mise à jour : 23 mai 2022